Tanouchert est toujours cette très belle palmeraie de l’Est de l'Adrar At T’mar, mangée par les sables de l’erg Warane. En cette fête des dattes, elle est très occupée, la tradition reste très vivante et j’ai l’impression de la redécouvrir comme je l’ai découverte il y a 18 ans. Rien n’a vraiment changé, rien n’a évolué, elle vit comme durant ces siècles passés. Immuable.
Des myriades d’enfants courent en tous sens, autour de femmes jeunes ou plus âgées dans une ambiance de quiétude, hors du temps. Ici, pas de télévision, pas d’électricité, le téléphone portable ne passe pas non plus, la vie de la palmeraie est rythmée par la révolution du soleil dans l’espace.
Au méridien, l’astre du jour darde et écrase la lumière, les gens et les animaux. Il fait plus de 48°C à l’ombre, l’oasis est engourdie, patiemment elle s’allonge en attendant le soir. Puis le vent thermique, à son tour, se lève – l’Irifi. Il soulève dans son souffle brûlant un sable blond envahissant. Normalement, il tombe lorsque l’activité solaire s’estompe mais ce soir il joue les prolongations, soufflant en rafale obligeant les gens et les bêtes à courber le regard, à s’abriter sans pouvoir bénéficier du relatif apaisement du soleil enfin couché. La nuit est bien installée lorsque les chamelles suitées rentrent du pâturage pour la traite. Labatt El Boukheir, le gardien du troupeau, vient me saluer en baissant son regard, une vieille dette de l’un envers l’autre. Seule sa déférence me rappelle ce souvenir. Le repas est frugal : du lait de chamelle, des dattes fraiches – taggalat – suivi d’un peu de viande de chèvre puis un couscous maure à la graine brune.
A cinq heures du matin, le jour est levé et tout le monde est déjà reparti à ses occupations quotidiennes. Les jours sont longs au mois de juillet.
Atfeil, tout en étant afféré à ces occupations, ne me lâche pas du regard. Demander « Comment ça va ? » fait partie du rituel et la réponse aussi. Il ne me parlera jamais d’un problème quelconque, ni même de me dire que les choses ne sont pas faciles en ce moment. Je le lis sur son visage, l’anxiété lui a creusé le visage. J’ai appris avec le temps à déchiffrer ses préoccupations. Nous avons vécu tant de choses ensemble, nous avons arpenté la Mauritanie en tous sens, partagé l’évolution de son campement, échangé des nuits entières. Avoir vécu la maladie de son fils Slama, les diverses opérations et après une rémission de quelques années, sa mort sur la table d’opération. Nous avions fait le maximum. Ces événements, ces partages, ces aventures ont tissé des liens extrêmement forts entre nous. Ces rapports humains me sont précieux …Sylvain, Tanouchert - juillet 2008